Entretien avec Agustín Guillamón sur les comités de défense de la CNT

samedi 10 avril 2021, par Pascual

« Alasbarricadas » - Question inévitable, c’était quoi un comité de défense ?

Les comités de défense étaient l’organisation militaire clandestine de la CNT, financée par les syndicats et leur action était subordonnée à ces derniers.
En octobre 1934 l’ancienne tactique des groupes d’action a été abandonnée au profit d’une préparation révolutionnaire sérieuse et méthodique. Le CNCD (Comité National des Comités de Défense) disait « Il n’y a pas de révolution sans préparation. Il faut en finir avec l’idée préconçue des improvisations. Cette erreur, celle de la confiance dans l’instinct créateur des masses, nous a coûtée très cher. On n’acquiert pas, de façon spontanée, les connaissances militaires obligatoires pour combattre un État qui a de l’expérience, un armement imposant et une plus grande capacité offensive et défensive ».
Le groupe de défense de base, devait être réduit pour faciliter sa clandestinité et sa mobilité ainsi que sa connaissance approfondie du caractère, des capacités et du talent de chaque militant. Il devait être formé de six militants avec des fonctions très spécifiques :
1.- secrétaire : contact avec d’autres cadres, création de nouveaux groupes, rapports.
2.-enquête sur les personnes : déterminer le degré de dangerosité des ennemis. 3.-enquête sur les bâtiments : dresser des plans et élaborer des statistiques.
4.- étude des points stratégiques et tactiques des combats de rue.
5.-étude des services publics.
6- recherche des lieux où obtenir des armes , de l’argent et de l’approvisionnement.
Le chiffre de six militants était considéré comme idéal pour constituer un groupe ou un Cadre de Défense, sans pour autant exclure la possibilité, dans certains cas, de rajouter un membre, davantage dans le but de remplir une tâche « d’importance majeure ». La clandestinité devait être totale. C’étaient des noyaux de base d’une armée révolutionnaire, capables de mobiliser des groupes secondaires plus nombreux et ceux-ci, à leur tour, de le faire à l’échelle de toute la population.
Le groupe de défense était la cellule de base de cette structure militaire clandestine de la CNT, constituée de six militants. Sa zone était démarquée de façon très précise dans chaque quartier. Dans chaque quartier un comité de défense du quartier était constitué , qui coordonnait tous ces Cadres de Défense et recevait un rapport mensuel de chaque secrétaire de groupe. Le secrétaire- délégué de quartier faisait un résumé qu’il remettait au Comité de district, et celui-ci, à son tour, le faisait parvenir au Comité Local de Défense qui le transmettait au Comité Régional qui lui-même le transmettait au Comité National.
Le rapport du CNCD détaillait également l’organisation des comités de défense à l’échelle régionale et nationale, encadrant d’autre part des secteurs de travailleurs comme les cheminots, les conducteurs d’autocar, des travailleurs des télécommunications, des facteurs et enfin tous ceux qui de par les caractéristiques de leur profession ou organisation englobaient le cadre national, en soulignant l’importance des communications dans une insurrection révolutionnaire. Un volet spécifique était consacré au travail d’infiltration, de propagande et de captation de sympathisants dans les casernes.
Il y avait deux fonctions essentielles dans les comités de défense :
1.- L’obtention, la maintenance, la surveillance et le maniement des armes.
2.-L’intendance dans le sens large du terme, depuis l’approvisionnement pour la population et l’aide aux cantines populaires jusqu’à la création et la maintenance des hôpitaux, des écoles, des athénée...ou même, dans les premiers temps, du recrutement des miliciens et de l’approvisionnement des colonnes qui sont parties au front.
Les Cadres de Défense ont existé tout de suite après la proclamation de la République et ils pouvaient être considérés comme la continuité, la réorganisation et l’extension des groupes d’action et d’autodéfense armée des années des « pistoleros » (1917-1923, années où le patronat catalan payait des tueurs pour éliminer les cénétistes).

ALB.- Comment est-on passé des groupes d’action aux Cadres de Défense ?

En janvier 1935 les groupes anarchistes Indomables(Indomptables), Nervio, Nosotros, Tierra Libre et Germen, au plenum de la Fédération des Groupes Anarchistes de Barcelone ont présenté la fondation à Barcelone du Comité Local de Préparation Révolutionnaire .
Face à un panorama historique, réellement affligeant : l’apogée du fascisme en Italie, du nazisme en Allemagne, du stalinisme en Union Soviétique, de la dépression économique avec un chômage massif et permanent aux États-Unis et en Europe, le rapport élaboré lors de ce plénum lui opposait l’espoir du prolétariat révolutionnaire. Il disait : « Dans la faillite universelle des idées, partis, systèmes, il n’y a que le prolétariat révolutionnaire qui reste debout avec son programme de réorganisation des fondements du travail, de la réalité économique et sociale et de la solidarité ».
On y faisait une profonde critique de la tactique puérile, abandonnée dès octobre 1934, de la « gymnastique » révolutionnaire et de l’improvisation. Il y était dit : « La révolution sociale ne peut être interprétée comme un coup d’audace, du style des coups d’État jacobins, elle sera au contraire la conséquence et le résultat du dénouement de la guerre civile inévitable et d’une durée impossible à prévoir ».
La préparation révolutionnaire pour une longue guerre civile exigeait de nouveaux défis, inconcevables dans l’ancienne tactique des groupes de choc. Il était dit : « Étant donné qu’il n’ est pas possible de disposer à l’avance de stocks d’armes nécessaires pour une lutte de longue haleine, il faut que le Comité de préparation étudie la façon de transformer dans certaines zones stratégiques les industries (...), en industries pourvoyeuses en matériel de combat pour la révolution « .C’est là l’origine de la commission des industries de guerre, constituée le 7 août 1936, qui en Catalogne a édifié en partant de zéro une puissante industrie de guerre grâce aux efforts des travailleurs, coordonnés par les syndicalistes de la CNT Eugenio Vallejo Isla, métallurgiste, Manuel Marti Pallarés , du syndicat de la chimie et Mariano Martin Izquierdo, même si plus tard des politiciens bourgeois s’en sont attribué le mérite (Josep Tarradellas) et même s’ils ont contribué au succès , celui-ci « revient de fait intégralement aux travailleurs des usines, aux techniciens, aux délégués responsables que la CNT a placés dès le début de la guerre aux postes de direction ».
Des groupes d’action et de choc pour la pratique de la « gymnastique » révolutionnaire, antérieurs à 1934, on était passé à la formation de cadres de renseignements et de combat, considérés comme des cellules de base d’une armée révolutionnaire.

La suite de cet entretien est à lire sur le document pdf ci-joint.

Publié par le site Le libertaire : http://le-libertaire.net/
Texte en espagnol trouvé sur le site libertaire espagnol A Las Barricadas (http://www.alasbarricadas.org/ ) sous le titre « Entrevista a Agustin Guillamon sobre los comités de defensa de la CNT ».
La traduction a été réalisée à l’automne 2015 par un personne qui a pris contact avec le Collectif anarchiste de traduction et de scannerisation (CATS) de Caen. Le texte a par ailleurs été féminisé.