Les Chroniques Noir & Rouge sont trimestrielles. Le n° 6 vient de paraître. Voici l’éditorial de ce numéro :
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Alertons les bébés et les anarchistes aussi !
Cet été dans des pays aussi variés que les États-Unis, le Canada, la Russie, la Turquie et près de nous la Grèce et l’Algérie et encore plus près, le Var, des feux gigantesques presque apocalyptiques – pour certains d’entre eux –, nous ont rappelé qu’une catastrophe écologique était en cours.
Au même moment, le rapport du GIEC était rendu public et on en retiendra que la responsabilité de l’activité humaine dans la dégradation du climat est clairement reconnue.
Mais en ne retenant que cet aspect – certes déjà suffisamment grave – du réchauffement, nos thuriféraires du libéralisme pensent sans doute sauver le capitalisme. Celui-ci pourrait penser se maintenir avec des mesures limitant son empreinte carbone en misant sur un développement durable et supposé vertueux.
Mais cette crise écologique ne se limite pas à la seule dégradation du climat. Déjà l’air que nous respirons est responsable de milliers de morts, la terre comme l’eau douce ou de mer sont empoisonnées par les pesticides et autres innombrables déchets chimiques et de métaux lourds, sans oublier le plastique qu’on retrouve partout y compris dans ce qu’on mange. La biodiversité est si malmenée qu’on évoque déjà une prochaine extinction des espèces qui serait la 6e depuis l’apparition de la vie sur la Terre ! Nous n’oublions pas non plus le nucléaire civil et militaire qui demeure toujours un danger susceptible de nous éclater à la gueule !
C’est peu dire que l’état du monde que nous voyons se dégrader partout, plus rapidement que prévu, sous toutes les latitudes et sous nos yeux se rapproche inexorablement d’un horizon semblable à un scénario catastrophe que le cinéma nous a abondemment montré. Pensons au film Soleil vert !
Comment donc, aujourd’hui, pouvons-nous penser le monde sans prendre en considération cette crise écologique qui sans changement de notre façon de vivre va s’amplifier ?
Soyons clairs, à notre niveau individuel, nous participons aussi mais notre responsabilité n’est pas comparable avec celle des décideurs politiques et économiques qui orientent les sociétés sur des bases capitalistes hégémoniques. Ce système qui a démarré il y a plus de deux siècles a aujourd’hui triomphé dans le monde entier. Il pollue, il saccage et finalement il détruit le vivant et les milieux naturels. Cette dynamique cancéreuse tant louée par les adorateurs du capitalisme aboutit finalement à une destruction sans limite qui met dangereusement en péril la vie sur terre.
Peut-on croire que les responsables politiques, économiques et religieux avec la complicité des intellectuels institués ou encore les mafieux parasites de nombreux Etats prendront les décisions nécessaires pour rompre avec les logiques capitalistes impitoyables ?
Nous pensons qu’ils ne le feront pas ou alors lorsqu’il sera trop tard pour inverser cette marche folle vers l’effondrement général.
Dans cette perspective que peut bien faire l’anarchisme militant ?
D’abord il doit comprendre que c’est l’enjeu et le combat de ce siècle !
Car que resterait-il de la promesse anarchiste sans la possibilité d’un autre futur ?
Bien sûr, nous sommes faibles, même très faibles. Mais n’est-ce pas nous qui avons soutenu l’idée des minorités agissantes !
De toute façon, nous n’avons pas beaucoup de possibilités, ou alors, attendre le déluge ou se replier pour certains dans un radicalisme de papier...
Finalement nous n’avons donc pas d’autre choix que nous lancer dans la bataille en restant nous-mêmes et sans abandonner nos principes qui sont toujours opérationnels, ici et maintenant.
Une partie de la jeunesse ne nous a pas attendus, fort heureusement !
Allons à leur rencontre !
Mais n’oublions pas non plus que dans les années 1970, nous étions présents dans les premières mobilisations de protestation contre les pollutions déjà visibles comme par exemple les marées noires ou le tout bagnole. Donc, si nous ne prenons pas le train en marche, nous reconnaissons que nous avons trop privilégié jusqu’ici la lutte de classes en espérant faire revivre en vain un syndicalisme révolutionnaire. Mais il est trop tard pour celui-ci. Pourtant, il ne s’agit pas d’abandonner la lutte sur le terrain social mais celle-ci devra maintenant s’exercer en lien avec un souci et une finalité écologistes.
Alors que faire ?
D’abord, il nous faut sans doute abandonner une pensée encore trop imprégnée d’un nationalisme inconscient car l’urgence écologique n’a pas de frontières. Certes, nous ne pouvons pas ignorer les différences de situations politiques des uns et des autres, elles seront toujours présentes et elles seront problématiques pour organiser l’action internationale.
Malgré les nombreuses difficultés, organisons rapidement des rencontres internationales qui pourraient ensuite aboutir à un congrès comme il y en a eu un à Amsterdam en 1907. Celui-ci n’aurait qu’un unique thème : l’urgence écologique !
Les participants pourraient prendre la décision d’organiser, par exemple, une journée de mobilisation internationale comme ce fut le cas pour le 1er mai.
Ce qui est sûr, c’est que si l’anarchisme veut de nouveau avoir un rôle historique, c’est maintenant en s’engageant pleinement dans le combat pour une écologie sociale antiétatique et anticapitaliste. Il y a de quoi faire et c’est une question de survie !
Jean-Louis Phan-Van
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