Emprisonnement de militants antifascistes à Saragosse

vendredi 19 avril 2024, par Pascual

Deux militants antifascistes de Saragosse viennent d’être emprisonnés

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Le 17 janvier 2019, une manifestation a été organisée à Saragosse pour dénoncer les discours haineux de l’extrême droite. Après plusieurs charges policières et la dissolution de la manifestation, quelques heures plus tard, 6 jeunes ont été arrêtés au hasard à différents endroits dans les environs. Parmi les arrêtés, quatre étaient des adultes et deux des mineurs. Ces arrestations, ayant eu lieu à des moments et endroits différents de celui de la manifestations ont été manifestement, fondées sur la base de préjugés esthétiques.
C’est le tribunal judiciaire de la province de Saragosse qui a jugé ces six jeunes, accusés de troubles à l’ordre public et d’atteinte à l’autorité. En janvier 2021, ce tribunal a prononcé une peine de 6 ans de prison pour les 4 adultes et une amende de 11 000 euros ainsi qu’une année de mise à l’épreuve pour les deux mineurs. 
Les 6 de Saragosse ont été condamnés sans aucune preuve avec uniquement les dénonciations de la police et la pression de la ley mordaza ( la loi baillon, l’équivalent en France de la loi sécurité globale). La ley mordaza n’a jamais été abolie, malgré ses promesses électorales, par le gouvernement socialiste espagnol).

Ce procès a été marqué par plusieurs éléments allant à l’encontre des garanties minimales pour ces accusés :
– Les enregistrements des caméras de sécurité sur les lieux des incidents n’ont pu prouver à aucun moment la présence des 6 jeunes dans les altercations qui leur sont reprochées, mais le juge ne les a pas admis comme preuves.
– Les témoins fournis par la défense des jeunes, qui ont prouvé leur innocence, ont été ignorés.
– Et la seule preuve à charge sur la base de laquelle la sentence a été prononcée a été le témoignage des policiers impliqués, qui se sont contredits dans leurs déclarations judiciaires.

Le mardi 16 avril, deux des quatre jeunes condamnés par la Cour suprême à quatre ans et neuf mois de prison pour avoir manifesté contre l’extrême droite, connus sous le nom de « Six de Saragosse », sont entrés en prison au centre pénitentiaire Trece Rosas de Saragosse. Les deux autres seront condamnés prochainement.
« Les admissions en prison ont commencé. Comme nous le disons, le gouvernement espagnol a la responsabilité de mettre fin à cette grande injustice qui viole les droits politiques et démocratiques. Nous exigeons leur libération ». Tel est le message posté sur les réseaux sociaux par la plateforme « Libertad 6 de Zaragoza ». « La répression s’exerce également sur le plan économique contre les familles de travailleurs. Des milliers d’euros d’amendes ont été imposés aux six de Saragosse », ont-ils critiqué, rappelant qu’un crowdfunding est toujours ouvert pour faire face aux énormes dépenses dérivées du processus judiciaire et aux lourdes amendes, qui s’élèvent à plus de 50 000 euros.

« Nous arrivons trop tard. Deux innocents ont déjà été envoyés en prison pour être allés manifester », a dénoncé Francho Aijón, père de Javitxu Aijón, l’un des six habitants de Saragosse qui iront également en prison. « L’extrême droite fait la fête, le vice-président d’Aragon, M. Nolasco du gang d’extrême-droite Vox, fait la fête, mais le plus inquiétant, c’est le silence, car une société qui se tait face à la répression ne sera jamais la meilleure société possible et ne peut qu’aller vers la privation de plus de droits pour continuer à exploiter notre force de travail, nos cerveaux, nos enfants s’il y a des guerres et nos retraites s’ils le jugent nécessaire. Rester silencieux n’est pas une option, c’est une défaite en soi », ajoute-t-il dans sa dénonciation.
Dans une récente interview, Francho Aijón a exigé la grâce demandée à l’exécutif espagnol Parti socialiste–Sumar [1], une « grâce nécessaire qui doit être exécutée ». Dans les prochains jours, « les deux autres personnes condamnées sans preuves vont aller en prison, et il n’y a pas de preuves parce qu’elles sont innocentes », a fait remarquer le père de Javitxu, ajoutant : « Nous continuerons à attendre la grâce comme une mesure pour réparer ce qui a déjà été cinq ans de processus injuste où les mécanismes du gouvernement d’Aragon sont utilisés pour nous attaquer. Partagez ces informations et ne cessez pas de crier contre le fascisme.

La plateforme pour les 6 de Saragosse a déclarée :
« Le Parti socialiste et Sumar déclaraient avant les élections qu’ils allaient arrêter l’extrême droite. Où sont ceux qui, pendant la campagne électorale, ont parlé de démocratie et de droits sociaux ? Où sont ceux qui ont parlé de vote utile ? (...)
La condamnation des six de Saragosse est une condamnation exemplaire. Ils cherchent à les condamner pour intimider tous. Les enfermer pour nous enfermer tous. Que nous réfléchissions à deux fois avant de nous rendre à une manifestation, que nous renoncions à nous organiser politiquement. Aujourd’hui, d’ici, nous leur disons : nous sommes désolés, mais non. Nous ne courbons pas l’échine devant leur répression, nous ne cédons pas à l’avancée des discours de haine. Personne ne nous a rien donné gratuitement : il est de notre responsabilité de défendre les libertés (clairement insuffisantes) de cette médiocre démocratie et de nous battre jusqu’à ce que nous obtenions plus et de meilleurs droits pour tous. »
Samedi dernier, 3 000 personnes ont manifesté dans la capitale aragonaise pour exprimer une nouvelle fois leur solidarité avec les six de Saragosse et leur volonté collective de « mettre fin à cette injustice ».

Tout sur la campagne pour la liberté des 6 de Saragosse sur libertad6dezaragoza.info.

Daniel Pinós


[1Sumar (Aditionné) est une coalition constituée avec dix-neuf autres partis politiques, dont Podemos et Izquierda Unida (Gauche unie) qui est proche du Parti communiste.