La lutte pour une convention collective décente dans l’industrie de la métallurgie auxiliaire des baies de Cadix et d’Algésiras est devenue une grève historique qui s’ajoute à une longue série de conflits.
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La grève illimitée dans le secteur de la métallurgie à Cadix a éclaté face au blocage de la négociation de la convention collective. Les patrons veulent imposer des coupes sévères dans les salaires et les droits : ils exigent la suppression de deux mois de salaire supplémentaires, l’augmentation de la journée de travail, le refus d’octroyer des primes pour risques toxiques et dangereux, et ils veulent également créer une nouvelle catégorie de personnel inférieure à la catégorie d’ouvrier spécialisé.
Cette grève concerne 25 000 travailleurs dans 700 entreprises, ils sont en grève illimitée depuis le 16 novembre. Avec une augmentation du coût des biens et services de 5,5 % en octobre, et une moyenne de 2,5 % pour 2021, la hausse des salaires est essentielle, non pas pour veiller à ce que le pouvoir d’achat des travailleurs s’améliore, mais afin qu’il se maintienne en l’état actuel.
Les grandes entreprises font appel à des petits ateliers de sous-traitance employant des travailleurs auxiliaires très précarisés pour supprimer des emplois de métallurgistes dans les grandes entreprises du secteur. Les différences de conditions entre les deux types de travailleurs sont abyssales, et cela a été permis par le gouvernement avec la complicité de l’UGT (Union générale des travailleurs de tendance socialiste) et des CC OO (Commissions ouvrières proches du Parti communiste).
Les syndicats et le gouvernement de gauche, PSOE (Parti socialiste), IU (Gauche unie) et Podemos, au pouvoir depuis trois ans, ont tenu de longs discours sur l’abrogation de la réforme du travail, une abrogation qui ne viendra jamais. L’électricité et la nourriture augmentent, tandis que les contrat de sous-traitance sont attribués aux entreprises les moins chères pour faire baisser la charge salariale.
Les travailleurs ont appelé à deux journées de grève en novembre, qui ont eu un énorme succès. Mais les patrons n’ont pas cédé et, après plusieurs assemblées et malgré les obstacles dressés par les syndicats officiels CCOO et UGT, une grève illimitée a été déclenchée. Son impact, notamment dans la baie de Cadix, a été absolu, avec de fortes mobilisations et des affrontements avec la police.
Les travailleurs veulent empêcher la poursuite du processus de désindustrialisation et de détérioration des conditions de travail qui se poursuit depuis des années. Les deux usines d’Airbus (dont l’une est menacée de fermeture imminente et se bat avec acharnement), les trois usines de Navantia (chantiers navals publics) et l’usine Dragados sont pratiquement tout ce qui reste de l’industrie dans la région.
Dans un engagement clair en faveur du tourisme, les différents gouvernements centraux et régionaux ont permis le démantèlement de l’ensemble du tissu industriel. Pendant des années, la province de Cadix a connu les taux de chômage les plus élevés d’Espagne.
La sous-traitance est brutale et constitue une constance pour les ouvriers des chantiers navals : une arme de destruction massive des droits des travailleurs. La division de milliers de travailleurs dans des centaines d’entreprises, le mépris permanent des comités de l’entreprise principale et le peu de pouvoir des délégués syndicaux des sous-traitants, ont amené les travailleurs, pour la plupart des sous-traitants temporaires, à élever la voix et à commencer à s’organiser.
La table de négociation de l’accord est contrôlée par les syndicats collaborationnistes CCOO et l’UGT, mais la participation des syndicats anarchosyndicalistes (CGT et CNT) et alternatifs de Cadix est très importante. Ils basent leur lutte sur la mobilisation des travailleurs et la prise de décisions dans les assemblées, car ils ne font pas confiance aux manœuvres possibles des centrales officielles, qui ont une longue histoire de concessions en faveur des patrons. Le cœur de la grève se trouve dans la baie de Cadix. Afin d’éviter que la grève ne s’étende à toute la province, le gouvernement régional d’Andalousie a appelé les deux parties à la médiation. Mais dans les rues, il y a une forte volonté de se battre.
Il ne s’agit pas d’une exception, mais de la tendance générale dans toute l’Espagne. Les patrons veulent profiter des effets de la pandémie pour activer les plans de délocalisation industrielle, imposer des fermetures d’entreprises et d’énormes reculs au niveau des conditions de travail. Pour ce faire, il bénéficie d’une impunité totale pour des licenciements permis par les réformes successives du travail, notamment celle du gouvernement du Parti populaire en 2012, que le gouvernement PSOE-IU/Podemos n’a toujours pas abrogée.
Coïncidant avec la grève à Cadix, une autre grève générale contre le démantèlement industriel a complètement paralysé la région galicienne d’Amariña dans la région de Lugo, elle a rempli les rues de Burela. C’est le même combat que mènent les travailleurs de la sous-traitance face à la fermeture de Nissan. C’est pourquoi la grève illimitée des métallurgistes de Cadix est la grève de toute la classe ouvrière.
Une vague de solidarité avec la grève des métallurgistes andalous a lieu dans plusieurs régions. Séville, Malaga, Huelga et Grenade ont organisé des manifestations en soutien aux métallurgistes de Cadix, s’ajoutant aux manifestations organisées à Cadix et Algeciras.
Une manifestation a été convoquée pour le 26 novembre à Madrid et une autre aura lieu le dimanche 28 novembre à Barcelone. Et une délégation de travailleurs de Tubacex (Pays basque. 236 jours de grève illimitée cette année) s’est rendue à Cadix pour leur apporter son soutien.
La fin de la paix sociale provoquée par la grève a provoqué un malaise dans une partie du public lors des barrages routiers ou lors des altercations provoquées par les piquets de grève. Des renforts de police ont été envoyés dans la région par le gouvernement. On a parlé dans certains médias de violence, de nombreuses arrestations ont eu lieu, les charges policières ont été d’une grande violence, un tank a même été lancé contre les manifestants.
Mais la vraie violence existe quand un travailleur n’est pas couvert par une mutuelle et doit aller à l’hôpital en disant que l’accident s’est produit à son domicile pour bénéficier du remboursement des soins. La violence c’est le fait qu’un métallurgiste ne puisse pas prendre de vacances sans craindre d’être licencié. La violence, pour les travailleurs, ce sont des décennies et des décennies de précarité, de contrats enchaînés les uns après les autres sans aucune garantie d’emploi.
Nous assistons aujourd’hui à la démonstration d’un ras-le-bol manifeste. Plusieurs milliers de personnes sont descendus dans la rue le 23 novembre. Les Andalous sont aujourd’hui en lutte, les jeunes sont très mobilisés, les étudiants de Cadix sont en grève en solidarité, ils soutiennent les travailleurs de la métallurgie, ils refusent l’impuissance, ils refusent de travailler plus pour ramener moins d’argent à la maison.
Cette grève signifie la lassitude, la lassitude de se sentir esclave. C’est un combat pour arrêter le démantèlement industriel et ne plus perdre de droits au travail, pour en finir avec la sous-traitance et les divisions entre les travailleurs, pour contraindre le gouvernement de gauche, « le plus progressiste de l’histoire d’Espagne » selon son président Pedro Sánchez, à abroger dès maintenant la réforme du travail de 2012.
Daniel Pinós